Il y a quelques semaines, j'ai découvert que mon arrière-grand-mère Magdeleine D. a été marraine de guerre pendant la première guerre mondiale. J'ai pu parcourir avec beaucoup d'intérêt sa correspondance avec Paul K., qu'elle avait précieusement conservée, en découvrant par la même occasion ce qu'est une marraine de guerre.

Qu'est ce qu'une marraine de guerre ?
Une marraine de guerre est une jeune fille ou une femme qui a entretenu, pendant l'une des deux guerres mondiales, une correspondance avec un soldat. Ce dernier est souvent un homme assez isolé, ayant peu ou plus de famille, et qui ne bénéficie donc pas du réconfort des lettres envoyées par ses proches. La marraine de guerre soutient moralement son filleul, peut lui envoyer des lettres, des photos voire des colis ou des cadeaux.
Historique
Le 3 août 1914, l'Allemagne déclare la guerre à la France. On imagine cette guerre rapide, les jeunes hommes français partent au front "la fleur au fusil". Mais la guerre s'éternise, le moral des troupes fléchit et la nécessité de les soutenir se fait sentir. Le 11 janvier 1915, est créée à Angers une association catholique, "la famille du soldat", par Mademoiselle de Lens. D'autres associations sont créées par la suite, dont "mon soldat", soutenue par le ministre de la guerre. Les soldats ciblés initialement sont ceux les plus isolés, mais d'autres se saisissent de cette initiative. Les jeunes hommes à la recherche d'une marraine peuvent publier une petite annonce dans le journal. L'armée se méfie de ces correspondances, s'inquiétant de possibles espions profitant de ces échanges pour obtenir des informations sensibles. De plus, la réputation des marraines s'entache au fil des mois, passant de l'image de la bonne fée à celle la femme légère cherchant un mari, ce qui diminue considérablement le nombre de candidates à partir de 1916. On peut en effet constater que certaines relations épistolaires évoluent en relation sentimentale voire en mariage. Malgré sa mauvaise presse à la fin de la première guerre mondiale, ce dispositif a dû malgré tout faire ses preuves, puisqu'il fait sa réapparition au début de la seconde guerre mondiale.

Magdeleine et Paul
Mon arrière-grand-mère Magdeleine D. fait une demande pour être marraine de guerre en 1915, auprès de l'association "la famille du soldat". Elle a alors dix-huit ans. On lui attribue un filleul, Paul K., et l'adresse où le joindre. Paul a trente-quatre ans, il est marié et il est père de deux enfants. Sa famille habitant en zone occupée par les Allemands, les communications sont difficiles voire impossibles, Paul n'a donc aucune nouvelle d'eux. La sœur de Magdeleine, Anne-Marie, correspond en parallèle avec Théophile F, beau-frère de Paul. Ce dernier aura une liaison épistolaire de près de quatre ans avec mon arrière-grand-mère. Il partage ses inquiétudes, sa vie sur le front, questionne la vie en France et ce que l'on dit de la guerre dans les journaux. Mon arrière-grand-mère lui donne des nouvelles du pays et de son beau-frère, le soutient moralement et spirituellement; elle lui envoie des colis, avec par exemple le chapelet tricolore qu'il lui avait demandé, ou le sac de couchage de son cousin germain, mort pour la France quelques semaines plus tôt. Les dernières lettres retrouvées datent de janvier 1919. On ne sait pas si ils ont gardé des liens par la suite. Quelques dizaines d'années plus tard, en 1994, les filles de Paul contactent Magdeleine en découvrant toutes ses lettres, dont elles lui envoient une copie. On apprend alors que Paul est décédé en 1936 d'un infarctus. Quant à Magdeleine, elle décède très peu de temps après le courrier des filles de Paul.
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