Pour retrouver la trace de ses aïeux protestants en France, il faut tout d'abord avoir quelques connaissances historiques sur la religion dite réformée.

Un peu d'histoire...
Le protestantisme apparait en France à partir du début du XVIème siècle, par la diffusion de la doctrine de Luther puis de Calvin. Bien que leurs différents écrits, considérés comme hérétiques, soient condamnés, la religion dite réformée se développe et les conversions se multiplient. On estime que ces dernières concernent 10% de la population française. En 1562, l'édit du 17 janvier autorise les protestants à se rassembler pour célébrer leur culte, avant que l'assassinat de protestants par le duc de Guise à Wassy ne déclenche la première des huit guerres de religion. Ces guerres prendront fin lorsque le roi Henri IV signe l'édit de Nantes, le 30 avril 1598, qui reconnait la liberté de conscience et de culte des protestants, dans certaines limites géographiques, leur garantit des droits civils et politiques, et établit une liste de cinquante et une places de sureté. Si vos aïeux ont vécu dans une de ces villes ou à proximité, cela vaut le coup de les chercher dans des archives protestantes (La Rochelle, Niort, Bergerac, Saumur, Royan, Montauban, Nîmes, etc..).
A partir de l'avènement de Louis XIII, les droits des protestants sont supprimés au fur et à mesure, sans violence initialement; ces décisions permettant au pouvoir royal de réduire le nombre de protestants à 4% de sa population nationale. Les persécutions par la violence envers les protestants reprennent vers 1681, avec les premières dragonnades. On assiste à des conversions en masse (abjurations) et des émigrations vers des pays plus tolérants (Allemagne, Suisse, Angleterre, etc...). Le 18 octobre 1685, Louis XIV signe l'édit de Fontainebleau qui révoque l'édit de Nantes. Les dragonnades se poursuivent, les temples sont détruits et les derniers protestants sont condamnés à abjurer ou émigrer. Pour ceux qui restent malgré tout, vient le Désert, période de clandestinité. Les fidèles pratiquent leur culte dans le secret et tiennent des registres clandestins. Cela n'est pas sans conséquence, notamment pour les enfants, qui n'ont ainsi aucune existence légale, et les couples mariés sont illégitimes. Les registres tenus au Désert ont pour beaucoup disparu, mais on peut trouver des actes dans certaines archives départementales ou sur des sites spécialisés. On peut également retrouver la trace de mariages ou de naissances dans le culte réformée grâce aux dispositions de l'édit de Tolérance de 1787. En effet, Louis XVI signe un texte autorisant les protestants à contracter un mariage "civil" par simple déclaration, devant un juge royal ou un prêtre agissant comme officier d'état civil. Cette disposition vaut aussi pour les naissances et les décès. Cet aménagement est rétroactif, c'est-à-dire que les familles peuvent déclarer des évènements de vie antérieurs à 1787, en déclarant les lieux et dates de l'évènement et les témoins.

Où chercher des documents ?
Les actes de baptêmes, mariages et sépultures de la foi réformée font l'objet de registres spécifiques, tenus par le pasteur, jusqu'à la révocation de l'édit de Nantes. Pour ma part, mes ancêtres protestants étaient originaires de Sumène, petit village au cœur des Cévennes, terres intensément protestantes. Les actes sont accessibles en ligne sur le site des archives départementales du Gard, de 1582 à 1683 puis de 1747 à 1778. J'y trouve ainsi de nombreux actes concernant mes aïeux, comme le baptême d'Antoine Serre en 1656 (1).

Antoine, et son père Jean, abjurent leur foi en octobre 1685 (2), en même temps que des centaines de leurs proches ou voisins. On retrouve les actes d'abjuration dans les registres catholiques, souvent par "lots". Son frère Jean Pierre choisit lui l'émigration vers la Suisse.

Après leur conversion, les nouveaux catholiques sont surveillés de près, notamment en ce qui concerne l'assiduité de la présence à l'office du dimanche, et l'éducation religieuse des enfants. Les mauvais parents se voient retirer leurs enfants. Les prêtres sont amenés à fournir des notes sur les nouveaux convertis de leur paroisse. On peut en voir une transcription d'un document des archives de l'Hérault dans l'ouvrage d'Olivier Sanz Sauzet sur le village cévenol de Saint Roman de Codières (3) : "Antoine Euzières et Jean, son frère, jeunes hommes sont opiniâtres mais assez assidus, Jean mangea de la viande le vendredi après cestre confessé ", ou encore : "Jean Pal, 50 ans et sa fille, 20 ans, sont un peu raisonneurs, la fille a de méchantes dispositions pour la religion, a dit à un soldat qu'elle souhaiteroit de sortir du roiaume ".
A noter:
Ne pas négliger les registres paroissiaux catholiques, qui peuvent compléter les recherches (abjurations notamment). Les archives notariées sont une source riche d'informations également : les mariages clandestins pouvaient malgré tout faire l'objet d'un contrat préalable et les testaments peuvent apporter beaucoup d'informations sur la composition de la famille (enfants émigrés par exemple).
Penser à chercher les sépultures dans les cimetières protestants, ou dans les cimetières familiaux, les protestants ayant l'autorisation d'enterrer leurs morts dans leur jardin. Dans les Cévennes, les sépultures sont habituellement marquées par des cyprès.
Consulter les sites spécialisés concernant les archives protestantes, dont j'ai mis certains liens ci-dessous. Ils regorgent de documents et donnent diverses pistes de recherches complémentaires.
Sources:
(1) Archives départementales du Gard, Sumène, registres paroissiaux, protestants, cote GG13
(2) Archives départementales du Gard Sumène, registres paroissiaux, paroisse Notre-Dame, 1674-1691, cote GG2
(3) Olivier Sanz Sauzet, "Saint-Roman-de-Codières à travers les archives, Histoire d'un village cévenol, XIIème-XVIIIème siècle", éditions Lacour, 2007
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